samedi 28 décembre 2013

Expo Le goût de Diderot, Musée Fabre, Montpellier (34)

Les goûts et les couleurs...



Diderot est considéré comme le père de la critique artistique dans notre pays. En effet, c'est en faisant certains rapports à certains de ses amis que ses écrits sur l'Art vont prendre forme jusqu'à devenir systématiques pour chaque Salon.
 
Ce que l'exposition tente de montrer est la forte construction esthétique que l'auteur va bâtir autour de certaines notions, mettant en opposition ce que l'on nomme le Rococo ou style Rocaille (avec des artistes comme Boucher) et le Néo Classicisme naissant. Toutefois, le jugement de Diderot est plus nuancé qu'une simple volonté de mettre les deux tendances en concurrence. Pour prendre l'exemple de Boucher, s'il n'apprécie pas les éléments de décor ou les aspects de mode, il reconnait à l'artiste une grande maitrise et des qualités touchantes. Néanmoins, il trouve souvent un caractère grivois ou vulgaire à tel ou tel élément, voyant ainsi le caractère dépravé des artistes se répercuter dans leur toile.


Vien, la marchande d'amours

C'est donc l'élément moral qui est une pierre angulaire du travail artistique. Le promoteur du drame bourgeois attache une attention toute particulière aux notions de sentiment et de moralité. Il s'agit de se débarrasser des scories du Siècle afin de toucher à l' être humain et sa sensibilité. Que ce soit par la composition, la taille ou le coloris, Diderot appelle l'artiste à une recherche de la vérité sensible.

                                                                         Falconet, Milon de Crotone
 
A travers la présentation de belles pièces, tant au niveau pictural qu'architectural, le parcours dévoile le goût non seulement de Diderot mais encore de toute la frange éclairée de la société française avec ses changements et ses piliers esthétiques.
 
                                                                                  Vernet, naufrage
 
Une expo intéressante qui permet d'admirer des œuvres du Louvre ou d'autres musées américains et russes : une bonne occasion de réviser ses Classiques ainsi que certains jugements sur l'esthétique de l'auteur.

Jusqu'au 12 Janvier 2014 :
fabre/Diderot

 

vendredi 27 décembre 2013

Parody Pictures of the Late Edo Period-Toyokuni Ⅲ・Hiroshige・Kuniyoshi, Ota Museum, Tokyo

L'estampe, un jeu d'esprit?


L'exposition temporaire du mois de décembre au musée Ota présente une caractéristique de la production de la fin de l'ère Edo : l'estampe parodique. En effet, les auteurs, membres de nombreux cercles poétiques, come les acteurs aiment l'humour et les jeux d'esprit. Ainsi, ils vont dans une certaine mesure, jouer avec les mots et les idées afin de créer des parallèles entre lieux et personnages, produits et acteurs.


Ici la représentation de Nagoya Sanza est motivée par un lieu : le restaurant dont kunisada fait la promotion se trouve dans le Nouveau Yoshiwara, centre de l'histoire du personnage. L'association est goûtée par un public cultivé qui, à son tour, va se plaire à collectionner ces images qui ont pourtant au départ un caractère populaire.

 
La jeune femme qui s'étire montre des dents d'une blancheur qui ne sied pas à une telle beauté. Voilà pourquoi l'arrière-plan montre une récolte de sève qui permet de fabriquer la laque pour les dents, symbole de séduction dans la culture d'Edo. Kuniyoshi utilise ainsi un portrait à des fins publicitaires, le manque du produit appelant immanquablement sa promotion et sa mise en valeur.

 
Encore plus subtile, cette association entre un poème du Hyakunin isshu et le portrait de l'esprit renard Tamamo no mae. Le poème est le suivant :
 
Dans les landes de l'automne où le vent souffle sans cesse
  sur les gouttes de rosée blanche,
  Ce sont pierres précieusesnon enchaînées,
  bel et bien dispersées.
 
Quel rapport avec un esprit renard qui prit la forme d'une magnifique femme? Et bien, cet esprit, une fois démasqué, sera pris en chasse et s'évaporera dans la lande...Un parallèle bien leste de la part de Kuniyoshi pour son auditoire.
 
La fin de l'ère Edo goûte donc cet esprit vif et aiguisé qui fait de la parodie une mécanique puissante qui permet aux thèmes et personnages récurrents de garder un intérêt toujours neuf pour le public des estampes. Un vrai jeu de pistes et d'énigmes est ainsi proposé à ces hommes et à ces femmes avides de nouveauté :

http://www.ukiyoe-ota-muse.jp/H2512bakumatsunomitatee-E.html

jeudi 26 décembre 2013

Monet, Renoir...Chagall, Carrières des Baux (13)

Entrer dans des tableaux...

 
 
Depuis plusieurs années les Carrières des Baux proposent de s'immerger dans l'œuvre de peintres bien connus à travers une rétrospective qui plonge le spectateur dans l'atmosphère et la peinture-même.


A travers un ensemble scénographique qui mêle images en mouvements et musiques, l'année 2013 s'attache à faire vivre les créations de Renoir, Bonnard, Chagall ou encore Monet.


 Grâce aux projections et aux musiques variées (Gershwin, Ravel ou Debussy), les Nymphéas, les tableaux de bord de mer ou de bord de Marne prennent un relief particulier. Certains sols reprennent des motifs des œuvres et apportent un cadre qui permet d'entrer de plain-pied dans les tableaux (c'est le cas de le dire).
 
Un joli moment spectaculaire qui permet de s'évader.....
 
A voir jusqu'au 5 janvier 2014. Ensuite, le prochain univers qui sera exploré sera celui de Klimt!
Un beau spectacle en perspective!

> monet-renoir-chagall.com/

mercredi 25 décembre 2013

Noel et ses chants

Britten et sa ceremony of carols


Noel oblige, les chants traditionnels inondent les rues pour le bien ou le mal de nos oreilles!!
Ainsi, pour changer de certains tubes, petit détour chez nos voisins anglais à travers une œuvre de Britten dédiée à cette période de l'année.


Compositeur du XXème siècle (1913/1976), Britten est né dans l'East Anglia à Lowestoft, petit port ma foi bien sympathique (plusieurs séjours là-bas que je n'ai pas regrettés!). Devant la menace de la Seconde guerre, il s'exile au Etats Unis puis décide de revenir en 1942. C'est durant la traversée de retour qu'il élabore cette œuvre.
Mêlant la tradition et la modernité, ces chants de Noel ont un accent patriotique : le rappel de la technique du chant grégorien, la réutilisation de paroles de la Renaissance anglaise sont un hommage au pays natal en guerre. De même, le choix du chœur d'enfants et de la harpe se veut retour vers la tradition.
Toutefois, le langage musical demeure moderne : les contre-temps, les jeux d'échos et de dissonances sont très nombreux et appréciables dans la plupart des pièces. The little Babe, pièce évoquant l'enfant Jésus, est un témoin important de cette technique moderne au service d'une forme traditionnelle.
Ainsi, Britten parvient-il à réaliser un subtil équilibre entre modernité et langage conventionnel, permettant de renouveler le chant de Noel et la vision que le public peut avoir du chœur ou de la harpe car l'utilisation de l'instrument est réellement un temps fort de ces pièces.



A écouter en ce moment ou durant toute l'année!

> Ceremony of carols

lundi 23 décembre 2013

Balade imaginaire

Petit cadeau de fin d'année


Clear skyes in May

Cela fait pas mal de temps que j'aime visionner ce petit film d'animation d'Anny Suzuka.
Une vraie promenade onirique dans le monde de l'ukiyo-e et des références à Hokusai, Hiroshige ou Kunisada.

   

Une escale japonaise même si on reste chez soi pour les fêtes!


>ukiyoe

Onmyoji, Celui qui parle aux démons

Manga et occulte....


Ce manga historique nous plonge au cœur de l'ère Heian, période où la cour toute puissante s'entoure d'astrologues et religieux en tout genre afin de se protéger des démons et autres esprits, dans cette société des jours fastes et néfastes, dans laquelle le maitre du Ying et du Yang, l'Onmyoji règne.



Cette série suit les traces d'Abe no Seimei, un jeune homme mystérieux que le maitre en titre du Ying et du Yang a pris sous sa protection. Le premier volume dessine les aventures juvéniles de Celui qui parle aux démons  : cette chasse aux esprits se double d'une réflexion sur le désir et les passions humaines, les démons étant souvent des entités qui trouvent leur naissance et leur puissance dans le cœur et l'esprit de l'homme.


Le trait de la dessinatrice Reiko Okano est clair mais expressif. Il dose un savant mélange d'influence orientale et occidentale. Le caractère historique est très bien évoqué sans être lourd ou contraignant. Les références à des idées ou concepts de la période Heian sont expliqués mais sont aussi envisageables grâce à une structure narrative efficace et pleine de rebondissements.
 
Un beau voyage dans le monde des esprits : déjà 8 volumes sur 13 sont traduits....hélas de manière un peu lente car depuis plusieurs tomes, le rythme est d'un numéro par un, les éditions Delcourt regrettant le peu de succès de cette série. C'est pourtant fort dommage!



Delcourt : Onmyoji
 

vendredi 20 décembre 2013

Yourcenar, la couronne et la lyre, challenge Odyssée grecque 7

Yourcenar et les racines grecques


Moins anthologie que promenade dans les siècles et la poésie grecque, ce volume de Yourcenar présente des traductions et extraits de la lyrique antique que l'auteur a goûtés et dont elle s'est servi pour l'écriture des mémoires d'Hadrien.

Des limbes de la poésie à la tardive lyrique byzantine, l'oeuvre sort de l'oubli des textes humains qui parlent des dieux et des hommes, des sentiments et de la guerre. 


On peut croiser des extraits d'Homère ainsi que des oracles de Delphes. C'est la parole oblique, celle de la double entente que l'on peut observer avec curiosité et intensité dans ces pages : 

"J'ai dénombré les grains de sable et les flots;
J'entends ce qui se tait au fond des bouches closes..."

La lyre grecque va résonner grâce au vers de Yourcenar; loin de vouloir coller au texte, l'auteur a pris le parti de couler le vers grec dans l'alexandrin afin de restituer le chant antique. 

Leçon de lyrisme et d'humanisme, La Couronne et la Lyre est une belle anthologie qui allie le savoir à la peinture des sentiments. Un must pour qui est intéressé par la poésie grecque et l'oeuvre de Yourcenar!




dimanche 15 décembre 2013

Le Hyakunin Isshu

Le Hyakunin Isshu ou de Cent poètes un poème 

est un recueil de la poésie japonaise classique ainsi qu'un jeu de cartes (karuta) que l'on utilise très souvent durant les célébrations du Nouvel An :


Compilés par Fujiwara no Sadaie (XIIème), ces poèmes étaient destinés à être calligraphiés afin d'orner les murs d'une noble demeure. Le poète et homme politique va rassembler ce qu'il considère être la fine fleur des wakas des cinq siècles qui le précèdent. Outre les lettré(e)s célèbres, l'homme de clan mettra en avant celui dont il fait partie : les Fujiwara.


Ce type de compilation est une habitude durant la période Heian et nulle personne de bon goût ne peut faire l'économie de connaitre ces volumes par coeur. Ainsi, les dames s'amuseront à se défier à travers un jeu dans lequel le waka (ancêtre du haiku de 5/7/5/7/7 syllabes) est scindé en deux sur 2 coquillages : le gagnant est celui qui retrouve le plus de paires afin de reconstituer les poèmes. Ce jeu aristocratique se transformera en jeu de carte populaire dès le XVIIème siècle et influencera le monde de l'estampe.



Le waka permettra de citer une parole connue de tous mais aussi sera un paravent des artistes qui veulent éviter la censure du Shogunat : interdits de représenter parfois geishas ou acteurs, le waka est un prétexte qui permet d'évoquer des scènes célèbres de kabuki sans les nommer.

Véritable phénomène de civilisation, le Hyakunin Isshu est encore la vedette de nombre de mangas et animes à l'heure actuelle....


Partons à la découverte de cette compilation durant les prochaines semaines!



vendredi 6 décembre 2013

Le lac des cygnes

Un album de C Gastaut

Entre les pages et pour préparer Noel, pourquoi ne pas se plonger dans ce très joli album qui reprend le célèbre ballet de Tchaikovsky, lui-même inspiré d'un conte allemand.






Une princesse ensorcelée devient l'amour inaccessible d'un prince qui devra combattre un terrible magicien, responsable des déboires de l'héroine. Bien sûr tout se termine par un mariage mais c'est la poésie de cet univers qui marque et permet de renouveler la simple histoire d'amours contrariées.                                  


Les papiers travaillés par C Gastaut accentuent le caractère aérien et féérique du conte de base. On s'attend à chaque instant que la lune ou la nature s'estompent entre nos doigts....

A lire tout en écoutant la musique qui a pu inspirer l'auteur :
lac tchaikovsky


dimanche 1 décembre 2013

Neige et poésie

En regardant la neige tomber...
Kunichika, une parodie du Genji
Puisque l'hiver s'invite tôt cette année, une petite anthologie de quelques poèmes du Hyakunin Isshu.

A méditer derrière la vitre ou sous les flocons!

Je m'en suis allé
au rivage de Tago
et j'ai vu la neige
sur la cime du Fuji
tout immaculée tomber
    Yamabé no Akahito



A voir la blancheur
du givre qui se dépose
dessus les degrés
du pont qu'ont jeté les pies
la nuit déja est profonde
    Conseiller Yakamochi



Ce que j'avais pris
pour la lune du point du jour
à la lueur de l'aube
au séjour de Yoshino
était neige immaculée
     Sakano ué no Korénori