jeudi 31 octobre 2013

Confrontation magique Kunichika

Confrontation de magiciens      Kunichika (vers 1880)


Puisque fin octobre approche, tournons-nous vers le monde de la magie et des monstres japonais.
Le monde de l'estampe n'est pas en reste dans la représentation des êtres surnaturels car le kabuki du XIX ème a vu se multiplier les pièces où la magie tient un grand rôle!

La série d'estampes koban (petites estampes) décrit un univers sombre qui est  émaillé d'esprits bien étonnants pour l'Occidental. De l'araignée de Wakana Hime à la limace des mers de Tsunade, le bestiaire magique fait la part belle aux animaux et insectes effrayants.

 

                           Wakana Hime                                                            Tsunade

Ce monde onirique, fait de sorts et d'apparitions, met en scène l'écrit et les rouleaux maudits de manière assez importante. Source des pouvoirs et gardien des secrets, le rouleau devient un personnage à part entière qui tient une place de choix dans les intrigues et les représentations :



 Faire apparaitre un chat monstrueux ou un crapaud magique est un événement spectaculaire que le public attend avec impatience. Le monstre n'est d'ailleurs pas qu'un compagnon du magicien, il peut être le magicien lui-même qui décuple ses pouvoirs ou encore qui dévoile sa vraie nature.

Ainsi se dévoile Tamamo no Mae, renard à neuf queues qui a envouté l'Empereur en prenant les traits d'une belle dame de cour. Dénoncée par un exorciste, la femme maléfique finira sa course dans la lande dévoilant sa véritable identité dans une aura de lumière qui aveugle ses ennemis et laisse place libre pour sa disparition....

Des histoires à voir et à contempler à travers ce petit diaporama :
http://www.youtube.com/watch?v=fVSq4JlLsLI

mercredi 30 octobre 2013

Thésée Gide, Challenge Odyssée grecque 5

Thésée      Gide


C'est le Thésée d'après le scandale de Phèdre et Hippolyte qui parle au lecteur et fait un bilan de sa vie. C'est aussi Gide qui, déja vieux, inscrit sur le papier une parole testamentaire. L'écrivain de la liberté et du choix de la non-convention inscrit son double dans cette expression "Passer outre".



Vient la description par le menu des aventures du héros : de son retour à Athènes en passant par la Crête puis par son règne en Attique. L'épisode crétois demeure celui qui est le plus long et qui présente les héros mythologiques sous un jour moins convenu qu'on aurait pu attendre. Minos est plus sage mais aussi plus aveuglé par son désir de clairvoyance que dans la fable. Les personnages féminins sont troubles et Pasiphae comme Ariane ne sont montrées que comme des êtres de désir que rien n'arrête. 

Des rencontres étranges émaillent le texte comme celle avec Icare, pantin et mort qui tient un dialogue mystique fermé à toute réalité humaine. Son père Dédale figure le Génie mais aussi l'être attiré par les expériences limites, telles les drogues.

A toutes ces incarnations de tentation que Gide a pu connaitre, l'auteur laisse la dernière parole à son héros qui rétorque à un Oedipe, qui ne veut plus voir l'Homme, par un discours empreint d'humanisme et de foi en l'avenir.

Un texte dense et surprenant qui se lit d'une traite!
 

Expo "Nuage", Musée Réattu, Arles (13)

L'automne nous pousse vers l'obscurité et les ciels bas. C'est donc le moment de s'occuper d'un des acteurs de cette saison : le nuage...et l'exposition qui lui est consacrée au musée Réattu :


A travers des objets, des œuvres du début XXème siècle ainsi que bon nombre d'installations contemporaines, le parcours met en scène l'idée du nuage à travers tout un éventail de représentations et de concepts.
Une pierre de médiation (ou pierre de lettré) chinoise ainsi qu'un oreiller en céramique Tang montrent l'imaginaire que ce phénomène météorologique a pu faire naitre dans les civilisations asiatiques.
 
Des œuvres surréalistes ainsi que des sculptures de Arp démontrent  que le nuage, par sa possible transformation et sa propension à l'abstraction, a été un moteur de création pour ces mouvements du XXème siècle.

La déclinaison du nuage appelle aussi la notion de fumée qui se retrouve dans de nombreuses œuvres et bien sûr, je ne résiste pas à celle de Shomei Tomatsu et de cette prostituée transformée en dragon!


On pourra se promener dans ces nuages jusqu'au 3 novembre...

lundi 28 octobre 2013

The night of longing: Love and desire in Japanese prints Fitzwilliam museum Cambridge

Amour et désir

Sur les bords de la Cam, une exposition du Fitzwilliam Museum qui fait écho à la rétrospective de Shungas (estampes érotiques) qui est visible au British Museum :

Yoshitoshi

Fort d'une riche collection, le musée dévoile certains de ses trésors qui mettent en scène le sentiment amoureux et le désir dans le monde de l'ukiyoe.
Place de choix est donnée à Yoshitoshi en suivant, notamment, sa série des 32 aspects de femmes qui met en scène à travers les époques et les couches de la société l'idéal féminin qui fluctue au fil des humeurs et des manières.

Foyer du trouble et du désordre, le sentiment amoureux cristallise les moments de folie et de bonheur qui sont voués à disparaitre aussitôt qu'ils sont apparus. Rien de surprenant alors que les épisodes d'idylle amoureuse laissent le plus souvent place à des descriptions où réalité et fantaisie se mêlent.

                                                                         Un Genji campagnard, Yoshitoshi


Car ce sont les fantasmes et l'imagination qui sont les rois de ces estampes, moteur de rêve et de création, ils permettent à l'artiste de créer et de donner une forme à la fantaisie sur un morceau de papier tôt voué à  disparaître.
                                                                            Kunisada, lettre d'amour


Une exposition qui se tiendra jusqu'au 12 janvier 2014 :
http://www.fitzmuseum.cam.ac.uk/whatson/exhibitions/article.html?4035

dimanche 27 octobre 2013

Kimonos et femmes 2 Japon amoureux

Le kimono, cette armure de soie, pour reprendre les termes de M Yourcenar, est cette pièce d'étoffe qui joue avec la nudité de la peau. Annulant les formes féminines, les seuls contrastes ne sont possibles qu'à ses confins.

Les mains, la nuque ou parfois les chevilles lors des déplacements de la femme miroitent au contact du kimono. Ainsi, les gestes gracieux dévoilent des bras sans ornement dans cette estampe de Kuniyoshi :

Kuniyoshi, produits de la mer et des montagnes

De même, bras et nuque sont mis en avant dans le flot des plis et des couleurs chatoyantes de la "Désagréable" de Yoshitoshi. Bien sûr, ce jeu est réfléchi : il s'agit d'évoquer la beauté, de créer le désir chez le spectateur à partir du peu qui est dévoilé. Le fantasme devient le moteur du désir et de l'amour. Le geste dédaigneux est lui-même un leurre créé pour attiser les passions.

Yoshitoshi, 32 aspects

Ce jeu des détails érotisés peut aussi être mis en place grâce à des éléments du vêtement. Tel est le rôle des longues manches de jeune fille que la femme peut promener sur son visage ou entre ses dents comme dans cet autre portrait de la "Timide" du même artiste :

Vêtement et corps ne sont pas concurrents mais alliés dans cette création culturelle d'une femme-objet qui devient maitre et possesseur des Passions. Pour un contemporain de ces artistes, gestes, étoffes sont des codes bien connus, porteurs des intentions de celle qui attire leur attention.

Mais il arrive aussi que cette armure s'efface et l'érotisme se fait encore plus explicite. Le kimono offre alors le corps à la vue de l'Homme et bien souvent, le sein devient le personnage principal de l'action. Afin d'intensifier cette présence, les artistes peuvent jouer avec les lumières et les ombres comme dans cette estampe de Kunichika :

Kunichika, Genji moderne

Le kimono devient alors terre de plaisir et ce sont les courbes et galbes humains qui deviennent les réels motifs du langage amoureux.

samedi 26 octobre 2013

A la découverte de Germaine Tailleferre

Une femme et la musique
 
Germaine Tailleferre (1892-1983) fut la seule femme qui appartint au groupe des Six dans lequel on pouvait trouver Poulenc, Milhaud ou Auric pour les plus connus d'entre eux.
 
Faisant ses études au Conservatoire de Paris, elle va rencontrer de nombreux auteurs de la vie artistique parisienne et ce dès l'Avant-guerre : elle fréquente Apollinaire ou Marie Laurencin. Ses cercles s'agrandissent et elle connaitra Modigliani ou Picasso et même Chaplin durant ses années aux Etats-Unis.
 
Cette femme qui, pendant près d'un siècle, va composer de la musique, se trouvera plusieurs fois entravée du fait de la réticence de ses maris mais sa passion sera la plus forte et elle composera encore quelques temps avant sa mort.
 
Actrice et témoin des grands changements artistiques du XXéme siècle, Tailleferre est toutefois assez souvent oubliée du fait de sa proximité avec Poulenc et Ravel, de son sexe et des critiques de l'époque qui la qualifiaient de "Marie Laurencin pour l'oreille"  (Cocteau) et l'on sait ce que la postérité a enlevé à la peintre!
 
 
Certes, le talent de mélodiste et les airs faciles à retenir d'une partie de ses pièces peuvent amener à croire qu'il s'agit d'une musique simple. Cependant, au sein-même de ses pièces, les recherches rythmiques ou mélodiques mènent à un discours contemporain.
 
Pour s'en apercevoir, il suffit simplement d'écouter deux pièces des années 30
> Arabesque pour hautbois et piano :http://www.youtube.com/watch?v=eFBZZxcXz9Q
> Forlane pour flûte et piano : http://www.youtube.com/watch?v=3SBUf4-qwk4
 
Des mélodies et des rythmes assez simples que la musicienne fait évoluer parfois jusqu'à la dissonance mais qui se résolvent comme ils ont commencé : dans un climat mélancolique et serein.
 
Une œuvre et une femme à découvrir...
 

mercredi 23 octobre 2013

Exposition Edimbourg Kabuki : Japanese theatre prints NMS

National Museum of Scotland


A travers les landes d'Ecosse, une pointe de couleur grâce aux estampes qui mettent en scène le théâtre kabuki!

Kunisada
 
La scène de spectacle et l'acteur sont mis à l'honneur à travers des exemples colorés de Kunisada, Kunichika et autres artistes de la fin du XIXéme siècle, période qui voit les derniers feux du kabuki triomphant.
 
L'acteur est alors une star qui attire et fait vendre, ce que les théâtres exploitent par l'entremise des estampes qui sont un parfait outil de diffusion. Les scènes spectaculaires déploient toute une gamme de héros hauts en couleur qui captivent l'attention du public.
 
Le parcours présente des estampes variées et des séries plus ou moins bien connues :

> on peut retrouver la parodie des 36 poètes immortels avec le portrait de Sumizome (présent à Vichy!!)

> ou encore une série moins connue mais ô combien attirante comme la parodie des 24 parangons de piété filiale de Kunichika :


Des séries qui dévoilent les préciosités des onnagatas ou encore l'héroisme de certains personnages masculins, le tout en des pièces qui ont l'air en des états excellents, magnifiant les couleurs et impressions qui étaient utilisées pour rendre gloire au théâtre.



Une exposition qui se tiendra jusqu'au 2 février 2014 :
http://www.nms.ac.uk/our_museums/national_museum/exhibitions/kabuki.aspx
 

Mois associés à des fleurs Kunichika

Acteurs et fleurs

Janvier


 
En date de 1880, cette série présente 12 portraits d'acteurs de kabuki accompagnés par des fleurs qui symbolisent un mois particulier.
 
 Ce travail est  assez typique des petites séries produites par l'artiste entre les années 1870 et 1880 qui utilisent des fonds doubles avec une représentation florale et un fond à motif. Cet arrière-plan permet une sorte de dynamisme et de profondeur qui fait ressortir le personnage. De plus la couleur rouge tranche avec la plupart des costumes et permet la mise en relief de la pose (kata) que l'acteur prend.
 
Toutefois, cette série peut paraitre remarquable par le soin qui a été porté au rendu des fleurs : de par le titre et la mise en relief, la fleur devient un élément aussi important que l'artiste représenté. Les végétaux sont variés : prunier pour Janvier ou encore magnolia ou chrysanthème pour Avril et Septembre :

                                 
                                                Avril                                                                                         Septembre
 
Les fleurs utilisées sont parmi celles qui ont un véritable rôle symbolique dans l'histoire artistique nipponne. Cela ne doit pas étonner le  public qui connait ce langage floral et qui n'est pas non plus surpris par la relation qui est établie entre monde végétal et théâtral : les deux univers incarnent le passage et la manifestation de la splendeur qui est vouée à disparaitre. L'acteur kabuki est ainsi cette fleur à la  beauté sans pareille qui devra se faner un beau jour.                                                                                                           
 
Vous pouvez retrouver la série entière sur cette vidéo :

dimanche 13 octobre 2013

Festival des illustrateurs Moulins 03 : C. Lacroix

Durant 15 jours s'est tenu le festival des illustrateurs qui se tient à Moulins tous les deux ans.

Dans de multiples lieux de la ville, musées ou boutiques, l'illustration s'impose par sa diversité et son onirisme.
Cette année, un hommage a été rendu à Christian Lacroix. Souvent présent au CNCS, le couturier aux multiples facettes a été représenté à travers trois séries :

> le dictionnaire Larousse édité en 2005 avec chaque lettre
> les couvertures d'une collection pour le Livre de Poche
> des oeuvres mêlant gravures de mode anciennes et feuilles d'encyclopédie



Comme toujours, chez le créateur, l'hommage au passé se teinte de fantaisie et réinvestit des codes surannés. L'inventivité nous conduit au pays des merveilles et des paradoxes, un pays des marginalia qui démontre, s'il en était encore besoin, que la singularité peut allier passé et modernité.