lundi 12 mai 2014

Jigoku Daiyu, 36 femmes vertueuses et maléfiques, Kunichika

Courtisane et Enfers...


Courtisane légendaire du XVème siècle, Jigoku Daiyu demeure célèbre pour avoir atteint la Voie de l'Illumination grâce à s rencontre avec le moine zen Ikkyu.


Cette rencontre au bord d'une rivière ou sur un chemin va voir se confronter un moine célèbre pour sa sagesse et sa frugalité  au symbole de la courtisanerie de l'époque : la jeune femme est une Daiyu (ou Taiyu) qui est un titre honorifique donné aux geishas les plus accomplies. Pour certains, dès le XVIIIème siècle, aucune courtisane, même les plus convoitées ne pouvait prétendre à ce titre : les talents que ceci impliquait concernaient à la fois le physique mais aussi la conversation, les arts d'agréments et le maintien.
Cette rencontre va faire basculer la vie de la jeune femme : orgueil du Monde Flottant, elle va se mettre à comprendre que sa conduite ne la mènera qu'à la ruine (c'est en tout cas ce que lui fait comprendre le moine). Une conversion va alors se faire au sein de l'esprit du personnage féminin. Ainsi, Yoshitoshi et Kyosai représentent Jigoku en train de méditer sur la mort et sa propre fin comme le symbolisent les squelettes qui l'entourent. En tant qu'Occidentaux, cette représentation peut nous faire penser à celle de la Madeleine Repentante!




L'estampe de Kunichika est plus ambigue : la jeune femme est encore dans sa maison mais elle semble perdue dans ses pensées. Serait-elle en train de se convertir? Ici, c'est toute l'ambivalence du personnage et de la femme qui est mise en avant. Le titre de la série est Femmes vertueuses et maléfiques, en cela, Jigoku incarne parfaitement cette opposition. De la geisha, modèle du quartier de plaisir à la disciple d'un moine zen, on parcours est exemplaire dans l'incarnation de la bivalence féminine. De plus, de nombreux jeux de sens sont en scène : Jigoku signifie Enfer (on nous le montre par l'évocation de ce lieu sur le kimono) mais aussi désigne le magnolia, fleur qui se trouve en pot derrière le personnage. Enfin, c'est un titre qui désigne la prostituée de la plus basse classe, contrastant avec le titre de Daiyu. La main contractée sur le chasse-mouche est aussi mystérieux : Est-ce un signe sensuel ou une crispation devant son état précaire?
Quoiqu'il en soit cette estampe, au cœur de la série, symbolise à elle seule l'argument des 36 œuvres qui constituent cette suite : la vision mystérieuse et ambivalente de la femme auprès des artistes et du public de l'estampe ukiyoe.







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