Nature et artifice...
Théocrite, poète de langue grecque du IV° siècle avant JC, fait partie d'une longue liste d'auteurs antiques qui feront naitre et fleurir un genre particulier : l'idylle.
Poème qui met en scène des bergers, bouviers et chevriers, l'idylle est une forme de mise en abyme : dans la plupart des pièces, les jeunes ruraux se livrent à des chants et concours poétiques. Les prix en sont des syrinx ou des fromages, le tout se passant dans un cadre simple et bucolique.
Mais il faudrait être bien naïf pour s'y laisser prendre : les accents des bergers sont truffés de reminiscences littéraires savantes : on retrouve des vers ou des hémistiches empruntés à Hésiode et Homère sans parler du caractère des personnages qui font souvent écho aux comédies nouvelles, les Nea, qui connaissent le succès à cette époque. Le caractère rural est lui aussi tout autant fallacieux : le décor est une véritable nature poétique et la naïveté pastorale une simple feinte.
Les amours qui sont présentées ne sont pas celles de simples personnages mais plutôt le fruit d'imaginations intellectuelles. Théocrite fait partie du cercle des habitués de la Bibliothèque d'Alexandrie, autant dire d'un groupe qui connait mieux les rouleaux littéraires que les moeurs frustes de la campagne.
L'idylle est ainsi un texte mensonger qui donne l'illusion d'un naturel et d'une simplicité qui s'est longtemps joué de ses admirateurs des siècles suivants.
La postérité sera plus que multiple : des Bucoliques de Virgile aux tableaux de Poussin, sans compter l'Astrée et autres textes pastoraux des siècles classiques. La marque de fabrique d'un tel genre sera toujours l'illusion de la simplicité et la relation d'un temps naïf où poésie, musique et nature se mêlent sur les bouches et dans les coeurs des personnages d'une nature idéale.
"Comme je fais fondre, moi, cette cire avec le concours de la déesse, ainsi puisse fondre d'amour à l'instant le Myndien Delphis; et comme ce disque d'airain tourne éperduemment sous l'action d'Aphrodite, ainsi puisse-t-il tourner éperdument à ma porte" (Les Magiciennes)
Encore une très belle participation !
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas du tout Théocrite... Merci pour cette découverte : :)