jeudi 22 mars 2018

Masse critique Babelio, F. Jullien, Ressources du christianisme



Interroger le christianisme...




Tout d’abord, un remerciement à Babelio aux Editions de l’Herne pour m’avoir envoyé cet ouvrage de F. Jullien. Ressources du christianisme est une reprise d’une conférence donnée par le philosophe à plusieurs reprises en 2016.

Cette retranscription se sent un peu dans l’introduction qui révèle à de nombreuses reprises sa rhétorique universitaire. Toutefois, le corps du texte est plus fluide et la pensée se développe en plusieurs chapitres qui réinterrogent la question du christianisme. Et comme le titre l’annonce, il ne s’agira pas de reprendre une réflexion autour des opposés de foi et et d’athéisme,  de religion et spiritualité. F. Jullien tente d’interroger le christianisme en dehors du dogme afin de montrer que la proposition chrétienne est un scandale, le caillou dans la chaussure du réel et de la logique.



F. Jullien veut réinterroger les sources du Nouveau Testament en laissant les strates dogmatiques et traditionnelles qui, selon lui, ont changé et amoindri le message originel. Ainsi, il suit l'écrit de Jean et non ceux des 3 autres apôtres car pour lui, il s'agit de la version la plus radicale; celle qui met en lumière le radicalisme de la pensée du Christ. 


Il s'agit donc pour le philosophe de reprendre les textes et notamment la traduction de certains termes qu'il dénonce comme dévoyés par certaines traductions. C'est à l'aune de cette revivification du verbe et de la geste christique qu'i met en place une démonstration où l'histoire du Christ devient une aventure, éclair dans la vie des hommes.

Un texte intéressant et plein de richesses qui reste accessible malgré parfois certains passages peut-être un peu plus complexes pour un lectorat qui ne maitrise pas toujours certains concepts ou terminologies philosophiques.

samedi 9 septembre 2017

Expo Aztec Hotel, Musée Quai Branly, Paris (75)


Ruines de pacotilles...


Les USA ont longtemps souffert d'un manque d'une grande civilisation américaine antique qui pourrait faire pendant à la Grèce ou Rome. C'est avec les découvertes des civilisations de la Méso-Amérique et de l'Amérique du Sud que va se concrétiser leur rêve d'Antiquité.

Grâce à des archéologues très fantaisistes (Schliemann et ses découvertes font pâle figure en comparaison), le monde a soif des ruines maya, aztèques que l'on mélange et amalgame dans une joyeuse effervescence.


De là des constructions de théâtres, cinémas qui prendront pour modèles des ruines maya que l'on qualifiera de style aztèque. Une mode est lancée qui va prendre tant au niveau décoration que littérature. Les salles de cinéma s'ornent d'idoles alors que les écrans projettent de douces histoires où une princesse peu habillée flirte avec un dieu du tonnerre sous fond de sacrifices humains.

Des architectes comme Lloyd Wright s'inspireront de certains motifs afin de créer des structures qui ponctueront leur réalisation. Si le grand architecte américain a toujours nié une telle inspiration, une simple observation démontre cette utilisation de structures maya. 


Avec la Seconde Guerre, l'élan se tarit mais il reviendra vite avec les années 50 : de même que la mode hawaïenne, le modèle aztèque fera fureur sur les chemises, les verres et autres éléments d'une décoration kitsch. La musique ne sera pas en reste comme en témoigne la chanteuse péruvienne Yma Sumac qui dira avoir retranscrit l'ancienne musique des Andes. A défaut de vérité historique, des airs entraînants et une sacrée tessiture pour cette voix qui mettra à l'honneur cette partie du Nouveau Monde.


Du toc et du kitsch, pour une aventure qui ne manque pas de couleurs....Jusqu'au 8 octobre 2017 :
http://www.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/expositions/details-de-levenement/e/aztec-hotel-37569/

mercredi 23 août 2017

Expo Masahisa Fukake, Rencontres d'Arles (13)


Ombres et couleurs...


Les rencontres photographiques d'Arles proposent dans la multitude de lieux de la ville dédiés à l'art des ombres et lumières la première rétrospective occidentale dédiée à Masahisa Fukase.

Né en 1934 avec un père qui possédait un atelier de portraits photographiques en Hokkaido, Fukase se destine très tôt à cet art. Il perce dans les années 1960 et devient véritablement célèbre avec une première série Yūgi (遊戯) / Homo Ludence). Travaillant pour la presse et les magazines, il continue son travail artistique à travers de nombreux albums qui utilisent à la fois le noir et blanc ainsi que la couleur.

Mettant en scène sa famille, des modèles, il crée des images qui jouent avec l'intime et sa représentation. Si ses photographies peuvent avoir un caractère ludique, Fukase dénie la moindre volonté de parodie ou de divertissement. Il avouera ne pas penser rendre les gens heureux à travers son travail et se demande lui-même s'il en éprouve le moindre plaisir.


Son rapport aux animaux est intense : outre la série qui le rendit célèbre Karasu () / Ravens), les clichés nombreux qu'il fit de son chat Sasuke forment une sorte de séries d'autoportraits. Il confiera d'ailleurs : "J'ai passé la plus grande partie de cette dernière année à prendre des photos allongé par terre, à peu près au niveau des yeux d'un chat, au point que j'ai eu la sensation d'en devenir un moi-même". 




Envahi par une certaine mélancolie et un rapport à la mort évident, ses dernières séries sont des jeux avec certaines onomatopées japonaises comme berobero où l'artiste se met en scène lui et son geste puisque la plupart des clichés sont rehaussés de couleurs, de traces dessinées comme pour mieux prendre de la distance avec le geste et les codes photographiques.


Victime d'une chute dans les escaliers d'un bar où il avait ses habitudes, Fukase restera 20 ans dans le coma jusqu'à sa mort en 2012. Son œuvre est à voir au Palais de l'Archevêché jusqu'au 24 septembre 2017 : https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/160/masahisa-fukase

vendredi 18 août 2017

Expo De couleurs et d'or, Mab, Moulins (03)


Scintillements médiévaux...



Pendant les travaux, le musée de Cluny prête quelques pièces au musée Anne de Beaujeu. Un moment qui permet un dialogue entre les œuvres et une mise en valeur de l'utilisation de l'or dans les objets médiévaux.


Symbole de puissance, de luxe et d'ostentation, l'or est utilisé tant dans le domaine religieux que dans le domaine profane. L'exposition montre de belles statues du XV° des écoles allemandes ou flamandes qui surent magnifier le mouvement, la polychromie et les ors. Les tapisseries ne sont pas en reste, avec des décors allégoriques où la lumière et les espaces plus ternes jouent de contraste.


Le musée de Moulins met en avant certaines de ses belles pièces comme la pieta de l'Italien della Robbia avec ses faience colorées et ses surfaces plus rugueuses. Même si l'œuvre est parcellaire, on peut apprécier la maitrise et l'extrême délicatesse de cet art.


L'or est aussi la matière des tableaux, enluminures et autres ornements de manuscrits. Outre la préciosité, le matériau étant censé apporter de l'émerveillement à travers le jeu de la lumière produite par les flammes des bougies, ce qu'un éclairage artificiel ne peut produire. 

Des ors et des merveilles jusqu'au 17 septembre 2017 :
http://www.mab.allier.fr/2056-exposition-en-cours.htm

dimanche 13 août 2017

Expos et Japon, Musée Guimet, Paris (75)


Japon à Guimet


Cet été, le Musée Guimet met à l’honneur le Japon à travers deux expositions : 113 ors d’Asie et Paysages japonais.
La première exposition parcourt le continent asiatique et son rapport à l’or. De la monnaie aux rites funéraires, ce précieux métal est un symbole important dans toutes les cultures.
Au Japon, où les mines d’or sont importantes, le matériau illumine objets sacrés et profanes. Des statues de Bouddha et de Daikoku, le dieu des richesses, aux inro et peignes de laque et d’or, le scintillement témoigne de la beauté sacrée et profane.

Mettant en valeur les calligraphies ou les étoffes chatoyantes, l’or est prisé tant par les nobles de la cour d’Heian que par les riches commerçantes d’Edo.
La deuxième exposition : paysages japonais, d’Hokusai à Hasui met en avant ce genre pictural dans le Japon du XIX° et du XX° siècle. D’Hiroshige à Hokusai, c’est la poésie et l’humour des scènes quotidiennes qui animent les planches de papier.

Ne sont pas oubliées l’introduction de la perspective et l’arrivée de la photographie dans l’évolution du paysage qui se fait des images de l’ukiyo à la nouvelle école de la Shin-hanga.
Des estampes et des ors à contempler jusqu’au 18 septembre (113 ors d’Asie) et au 2 octobre ( Paysages japonais) :
http://www.guimet.fr/fr/expositions/expositions-en-cours/cat.listevents/2017/08/13/-

mardi 8 août 2017

Le mois O-bon 3, Expo Specters of Yoshitoshi, Ota Museum




Fantômes de Meiji...


Pour plusieurs mois, le Musée Ota fait la part belle ) l'œuvre de Yoshitoshi, le dernier grand maitre de l'ukiyo-e. En ce mois d'août, périodes des fêtes d'o-bon, ce sont les estampes représentant les spectres et autres yokai qui sont à l'honneur.

Dès ses débuts, Yoshitoshi va cultiver les images de l'au-delà. Ainsi avec sa série 100 fantômes de la Chine et du Japon (qui ne comptabilise que 26 pièces), ce sont quelques figures de l'au-delà marquantes qui vont inscrire son travail dans l'horreur et le spectaculaire.


L'artiste va cultiver une veine qui est à la fois traditionnelle mais aussi contextuelle : les histoires de revenant sont légions dans ce pays de tradition shinto mais les conflits du Bakumatsu et du début de l'ère Meiji accentuent cette sensibilité à la mort et aux revenants. De plus, Yoshitoshi sera lui  -même  marqué par les conflits et sa psyché sera mise à mal. Il sera souvent persuadé d'être visité par des revenants. De là un arrêt de près de dix ans d'une production qui était pourtant fortement populaire. 


Après cet arrêt forcé, les séries à fort tirage reprendront et les fantômes garderont une place précise dans cette production  : des Cent aspects de la lune aux 36 fantômes modernes, ce sont de nombreuses histoires classiques de revenants qui seront mises en scènes et modernisées par un esprit singulier pour qui le monde des spectres prenait une réalité aussi tangible que celui des vivants.

Un panel de revenants à percevoir jusqu'au 27 août 2017 :

lundi 24 juillet 2017

Le mois O-bon 3, Seigen


Fantôme hanté...

Nouvelle année pour le challenge O-bon chez Purple...Et voici une nouvelle contribution autour d'un fantôme de religieux. Le moine Seigen, bras croisés, visage émacié et cheveux hirsutes se détache sur fond de fleurs de cerisier et de pluie.

Personnage issu du théâtre kabuki, ce religieux tombe amoureux de Sakura-hime : il voit en la jeune fille la réincarnation d’un jeune moine dont il était amoureux et qui est mort quelques temps auparavant. Va naitre une relation passionnée qui sera découverte : les habitants du monastère chasseront les amants, mettant le feu à l’abri où ils se trouvent. Seigen meurt brûlé tandis que Sakura se sauve en sautant dans les airs, aidée de son ombrelle.

L’histoire pourrait en finir là mais c’est sans compter l’esprit de Seigen qui apparait à la malheureuse princesse. Hantant ses nuits, il terrorise les nouveaux amants de cette dernière et les entraine dans la folie.



Incarnation de la passion dévorante, le portrait de Seigen par Toyokuni III dépeint le spectre du personnage hanté lui-même par l’image de celle qu’il aime. Le poème classique de Ariwara no Narihira se lit :
Yononakani Taetesakurano Nakariseba Harunokokoroha Nodokeklaramashi

S’il n’y avait plus de

Fleurs de cerisier

En ce monde

Mon cœur

Serait en paix.

Il insiste sur la beauté du paysage des cerisiers en fleurs, image topique de la poésie classique.

De manière détournée, le poème peut aussi se lire ainsi :

S’il n’y avait plus

Sakura

En ce monde

Mon cœur

Serait en paix.

C’est alors le fantôme qui se plaint de l’amour que la fleur incarne (sakura est le nom botanique ainsi que celui du personnage féminin).

Dans un camaïeu de gris, de rose et de blanc, c’est toute la passion destructrice qui est mise en scène, à travers ce personnage paradoxal d’esprit hanté par ses propres fantasmes.