dimanche 13 juillet 2014

Masse critique Babelio, Derek Mahon, la mer hivernale

Vers irlandais...

Tout d'abord merci à Babelio et à Cheyne éditeur pour ce très beau recueil du poète irlandais Derek Mahon.
Né en 1941, Mahon est aujourd'hui considéré comme l'un des plus importants poètes d'Irlande. Marqué par les luttes religieuses et politiques qui ont marqué son pays, il inscrit le monde moderne et la violence au cœur de son œuvre. Il n'oublie pas non plus la terre d'Irlande et ses éléments millénaires, marquant ainsi une fracture entre tradition et monde contemporain.
Le présent volume présente une anthologie de textes assez récents, traduits de manière pointue et poétique par J. Chuto.




Le titre de la pièce qui donne son nom au volume La mer hivernale est un titre programmatique de cette anthologie. La présence de la nature qui semble un élément oublié de notre monde et qui pourtant atteste d'une splendeur s'accompagne du thème de l'hiver qui fait écho à une vision apocalyptique, voire post-apocalyptique de notre civilisation.
"Et les roseaux géants
Du delta,
comme ils sont pathétiques!
Pan est mort, et déjà
je sens une antique
Unité abandonner la Terre..."
Le fossé qui se creuse entre la nature et l'Homme semble un territoire abominable que rien ne pourra combler. La poésie elle-même semble souvent plus un chant de déploration qu'une véritable parole de réconciliation.



"Je prends congé des arbres,
Hêtres, cèdres et ormes,
Des bois aimables de par ici,
Qu'embrument la sciure, les pots
D'échappement, et le dernier
Soupir des nymphes empoisonnées."

Le monde humain se présente tel un destructeur de poésie et de rêve : détruisant le monde immémorial qui l'entoure, il détruit l'âme et le sel de la vie. Violence, laideur pourraient être les deux mots de cette Humanité qui oublie ses propres racines et sa propre nature.


Seules quelques visions consolantes demeurent. Ainsi, les citations d'autres poètes ou littérateurs permettent de garder foi en l'Homme. Ovide, exilé à Tomes, devient en quelque sorte le héros et la figure tutélaire de Mahon : se sentant dans un monde qui ne lui convient pas, il espère qu'encore les temps heureux se manifesteront. Le poète devient le témoin impuissant mais constant d'un monde qui ne lui convient pas mais dans lequel il doit inscrire sa présence :
"Moi aussi, que je le veuille ou non, j'habite ici."

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